Frontière indo-népalaise et Kushinagar, lieu de crémation de bouddha.
Le 21 Août 2013, Inde26 Mai 2013, 7h30.
Nous sommes dans la rue à Lumbini, sac sur le dos, thé et jalebi dans le ventre. Accompagnés d’Alison, nous passons aujourd’hui la frontière indienne à Sunauli pour nous rendre ensuite à Kushinagar, le 4eme lieu sacré bouddhiste (avec Lumbini, Sarnath et BodhGaya). En effet c’est à Kushinagar que Bouddha a été incinéré. Le pèlerinage continue!
On apprend qu’il n’y a pas de bus aujourd’hui, pour cause de grève. Par expérience nous savons qu’il faut toujours confirmer ce genre d’info car les taxis ont tendance à en tirer profit. On rencontre un népalais avec toute sa famille qui nous confirme l’info. Ce monsieur très sympa nous appellera même une voiture (20$ pour 3) pour rejoindre la frontière indo-népalaise.
« Welcome to India »
Nous voici au pied de l’Inde, « Welcome to India » indique un panneau. On pourrait passer sans faire tamponner quoi que ce soit tellement il y a de monde qui traverse ce point de passage. En plus les bureaux d’immigration ne sont pas facilement visibles. Nous restons en règle et faisons tamponner à la sortie du Népal et à l’entrée en Inde sans difficulté, ni attente.
Le changement est flagrant, le niveau sonore augmente et les détritus par terre sont nombreux. Nous évitons quelques rabatteurs et négocions un bus pour Gorakhpur à une centaine de km au sud (90 roupies -1,60$-), de cette ville nous prendrons un 2eme bus pour Kushinagar, 50km à l’Est. On peut déjà ressentir une atmosphère plus « tendue », les regards se font plus insistants et ça négocie ferme… nous voila dans le bain !
Nous sortons de cette frontière par un énorme embouteillage qui nous fera perdre presque … 3 litres d’eau chacun. 4h plus tard nous voici à Gorakhpur, on saute dans le 2eme bus et après quasiment 10h de transport, nous arrivons à Kushinagar.
Kushinagar, là où Bouddha fut incinéré.
La ville se résume à une rue principale bordée de gargotes, commerces et temples. Ce qu’il manque ici c’est les hôtels. Nous aurons le choix entre le temple birman accueillant, prix de la chambre sur donation, mais ce n’est visiblement pas nettoyé, ou un hôtel pas du tout accueillant à 500 roupies (9$), plus propre et belle vue. Alison, après avoir refusé au temple tibétain une chambre à 500 roupies, se rabattra sur le temple birman. Nous prendrons l’hôtel.
Loin des circuits touristiques…
L’endroit n’est pas touristique, nous nous faisons dévisager dès qu’on met un pied dehors. Nous avons du mal à comprendre de tels regards aussi soutenus et insistants, et la plupart du temps indécents envers les femmes. En Birmanie, pays peu touristique, les regards étaient aussi très prononcés mais jamais indécents, il y a quelques choses de différent ici, on ne se sent pas très à l’aise. Finalement, c’est surtout les filles qui sont dévisagées, de la tête aux pieds. Mieux vaut être habillée comme un sac!
Nous nous faisons suivre (on aime ça, c’est la 3eme fois…) par un mec, apparemment sourd et muet, jusqu’à notre hôtel situé à l’écart de la route principale. Celui-ci rode autour avant de repartir. On préfère ne pas attendre pour prévenir le gardien de l’hôtel, qui sautera sur sa moto pour nous ramener le mec louche. Il nous demande si c’est bien lui, on confirme. « Pas de problème » nous dit-il, il est sourd muet! oui mais ça n’explique pas qu’il nous suive! « no problem, no problem… » Mouais… l’incident est clos. Nous le revoyons tout de même le soir, dans l’unique rue de la ville, planté devant nous qui prenions un thé à une gargote. Le serveur le fait partir…
Après cette arrivée un peu difficile, plusieurs rencontres nous ont réconfortés. Nous faisons connaissance le soir avec le patron du Yama Cafe, très sympa, très bon anglais, il nous donnera plein de conseils pour rejoindre Varanasi. Le lendemain au petit dej’ dans une gargote de la rue, un couple et leur fils, engagent la conversation avec nous, le fils jouant l’interprète pour les parents. Ils se sont convertis au bouddhisme à la naissance de leur fil, il y a une quinzaine d’années. Certains indiens se convertissent au bouddhisme pour échapper à leur caste, (est-ce leur cas?) car l’hindouisme est indissociable de ce système de cloisonnement rigide de la société indienne.
Ce système de castes trouve son origine dans le Rig Veda, l’un des ouvrages fondateurs de l’hindouisme. Celui-ci définit 4 castes, natives de Brahmâ (dieu créateur), de la plus élevée à la plus basse. La caste ne coïncide pas forcement avec le niveau de richesse, 53% des Brahmanes vivent sous le seuil de pauvreté. Chaque partie du corps de Brahmâ confère une fonction à la caste :
- Les brahmanes, sortis de la bouche du créateur, il s’agit des prêtres et des enseignants. C’est la caste la plus élevée.
- Les kshatriyas, nés des bras du dieu, ce sont les guerriers, les princes et les rois
- Les vaishyas, issus des cuisses de Brahmâ, sont les commerçants, les agriculteurs et les artisans.
- Les shudras, les serviteurs, sortis des pieds du dieu.
- Les intouchables, la cinquième classe de la société indienne est constituée par les intouchables, ou hors-castes. Ils sont appelés ainsi car ils ne seraient pas nés du corps de Brahmâ, mais de la terre. Ils portent aussi le nom de « dalit », signifiant opprimés. Gandhi les surnommait « harijans » Hari est un des noms de Vishnu. Ils représentent 25% de la population indienne, soit 160 millions de personnes. Si la plupart considère leur sort comme prédéterminé, inéluctable, c’est pour eux le fruit de leur Karma, conséquence des actes d’une vie qu’ils ont accomplis lors d’une vie antérieure.
Contrairement à ce que l’on pense, au moment de la déclaration de l’indépendance en 1947, le système des castes a simplement été considéré comme non-existant, et n’a pas été aboli, ni déclaré illégal. Cependant la discrimination par rapport à la caste est interdite mais reste toujours bien ancrée. Mettre fin au système des castes est loin d’être facile car il trouve son origine dans l’hindouisme, base fondatrice de la société indienne. Autant dire qu’il n’est pas simple de s’attaquer à ça!
Ramabhar Stupa
Le stupa de 15m de haut se situe sur l’emplacement exact du lieu de crémation et est censé abriter les reliques de bouddha. Il a été détruit vers le Ve siècle puis sous la domination musulmane, laissé à l’abandon. Ce n’est qu’en 1861 qu’il fut redécouvert par un archéologue britannique.
L’atmosphère y est paisible et quelques pèlerins viennent se recueillir, brûler des bâtons d’encens et déposer des fleurs…
Non loin de là, le temple Mahaparinirvana abrite une statue de bouddha de 6m de long, représenté sur le point de mourir.
Le ticket et le baton
Nous reprenons le bus pour Gorakhpur. Nous nous rendons dans la gare de la ville pour acheter un billet de train pour Varanasi. Nous rentrons dans le hall plein à craquer, et prenons place tant bien que mal dans une des loonngues files d’attente qui patientent devant la dizaine de guichets. Un garde passe à ce moment là et nous demande notre destination. Varanasi lui dit-on. Il hésite et repart, puis revient et dit d’un ton autoritaire (un ordre presque!) à Nicolas de le suivre. Je remonte, accompagné d’Alison, toute la file indienne (ha!) pour atteindre le guichet. Le garde, bâton à la main, éloigne la personne au comptoir et m’invite à prendre sa place. Je sens derrière moi le regard des 40 personnes qui attendent, je ne fais pas le fier mais ne me sens pas non plus de contredire le garde qui visiblement veut montrer qu’il contrôle la situation! Pendant qu’il joue du bâton pour replacer les quelques brebis égarées, j’achète les billets. Je remonte ensuite, penaud, la file qui me scrute.
il est temps de prendre le train maintenant.
bien sûr que non… ;)
Rencontres & discussions…
Nous voilà sur le quai cherchant la plateforme et slalomant entre les groupes de personnes allongées par terre. C’est assez étonnant le nombre de gens qui attendent allongés par terre dans les gares, installés en mode pique-nique, avec d’énormes bagages, comme s’ils étaient là depuis 3 jours… Un jeune nous indiquera le bon train et nous trouvera même une banquette quitte à faire asseoir des gens allongés. Il s’installe avec nous. En face de nous un couple de personnes âgées. Nous sommes 6 par banquette prévue pour 3 et un au dessus, c’est la classe sleeper!
Le train part à 16h15, nous devons arriver à Varanasi vers 21h30. Nous passons les 2 premières heures à discuter avec le jeune. Un homme nous rejoindra sur la banquette, éjectant sans scrupule d’un simple geste de la main, un autre déjà assis là depuis le départ du train (caste priority?). Sous une dizaine de paires d’yeux curieux fixés sur nous, il engage la discussion dans un anglais approximatif sur la puissance économique de l’Inde, son histoire avec Vasco De Gama et de nombreuses autres démonstrations de la force de son pays… Il nous précise qu’il est chercheur en histoire pour le gouvernement indien et nous demande notre niveau d’étude et notre métier. « Informaticien et biologiste, on a bon ? ;) » Il nous demande aussi quelle est notre religion, et apprenant que nous ne croyons en aucun dieu, ne comprend pas quels principes moraux nous suivons dans notre vie.
Cette conversation bien sympa et intéressante, s’achève. Celui-ci doit partir au prochain arrêt. Nous continuons à discuter avec le jeune. Il fait des études scientifiques à Gorakhpur et se farcit 6h de train par jour, courageux le petit à nos yeux, mais pour lui ça a l’air d’être normal.
La train arrive avec 2h de retard, on n’en voyait pas la fin dans cette chaleur étouffante. Il est 23h, nous voici à Varanasi!